Stéphane Demazure : le data-journalisme
Certains disent que les données, ou data, sont le nouveau pétrole, une richesse infinie dont on dispose pour le meilleur ou pour le pire, indique Stéphane Demazure, rédacteur en chef et CEO de « Issue de Secours ».
Pour le meilleur il y a la compréhension du monde, comprendre l’information en statistiques et en images avec une touche de graphisme et une volonté de vulgarisation, c’est ça le data-journalisme.
Origines
En mai 2009, le Daily Telegraph révélait que des dizaines de parlementaires britanniques avaient menti sur leurs notes de frais ou qu’ils s’en étaient servis pour se faire rembourser des achats qui n’avaient rien à voir avec leur mandat. Dans la foulée, le Guardian met en ligne plus de 40 000 notes de frais et propose à ses lecteurs d’identifier celles qui mériteraient d’être vérifiées voire acomptées. Ce scandale qui a poussé des dizaines de parlementaires à démissionner et a valu à certains d’être condamnés à des peines de prison a permis au Telegraph de remporter le prix du meilleur journal de l’année, rappelle Stéphane Demazure. Mais il fait aussi profiter au Guardian, qui en proposant aux internautes de contribuer à son enquête en proposant des traitements en ligne graphiques, statistiques ou sous forme de cartes ou d’applications web de ses données, a réussi à se faire connaître dans le monde entier comme le pionnier du data-journalisme ou journalisme de données.
Le terme data-journalisme par Stéphane Demazure : explications
Derrière ce terme un peu barbare se cache une nouvelle façon d’enquêter, de raconter des histoires et d’exercer ce 4ème pouvoir que la presse et les journalistes aimeraient bien continuer d’incarner. D’ordinaire, un journaliste est quelqu’un qui va sur le terrain pour recueillir des témoignages comme l’explique Stéphane Demazure sur son blog. Le data-journaliste , lui, cherche à faire parler des données qu’il agrège, compile, trie et nettoie dans des tableurs informatiques avant de voir ce qu’il peut en faire, soit avec un développeur web, soit avec un graphiste.
Les journalistes du magazine américain Mother Jones ont ainsi passé plus d’un an à éplucher des données pour savoir à quoi servent les 15 000 informateurs du FBI et ce qu’ils ont découvert est renversant. 33% des personnes arrêtées pour terrorisme aux États-Unis ont en effet été poussées à préparer leurs attentats par le FBI qui leur fournissait les armes, la logistique voire la cible et 53% des personnes arrêtées par le FBI pour terrorisme ont finalement été condamnées pour d’autres motifs sans rapport.
Les révélations de WikiLeaks ont aussi montré que des bases de données confiées à des journalistes pouvaient redonner ses lettres de noblesse au journalisme d’investigation. Signe de l’importance prise par cette nouvelle vague, Simon Rogers qui incarnait le data-journalisme au Guardian a annoncé en 2013 qu’il venait d’être recruté par Twitter. Internet est souvent présenté comme le bouc-émissaire de la crise de la presse, rappelle Stéphane Demazure. Et si, à contrario, il faisait partie de la solution ?